Par Julie DELFOUR
« Je joue, donc je suis »…
Le jeu a un rôle prépondérant dans l’acquisition de l’identité. Il
se révèle indispensable à la croissance et à l’équilibre du chiot.
Chez le chien adulte, il permet de créer ou de renforcer les liens
sociaux tissés avec ses partenaires, humains ou animaux.
Jeu
et apprentissages
Le chiot commence par jouer avec ses frères et sœurs. Peu à
peu, le jeu devient de plus en plus élaboré. Tous les aspects du
comportement adulte prennent forme et sont maîtrisés par le simple
fait de s’amuser. Provocations, poursuites, menaces. Le chiot
apprend à coordonner ses mouvements. Au cours du jeu, il saute,
court, change brusquement de direction, se roule par terre,
effectue des départs rapides ou des contorsions parfois
spectaculaires. Les relations entre chiots se développent ainsi,
avec des combats « pour jouer » où vont se définir, déjà, les
statuts de dominant ou de dominé.
Jeu
et socialisation
Le chiot grandit, et le jeu va l’aider à s’adapter à sa vie de
chien adulte. Jouer est un bon moyen d’exercer les postures
typiques de communication entre congénères. C’est en jouant avec
l’autre que le chiot découvre les postures de la chasse, de
l’attaque, de la poursuite ou de la soumission. Les tentatives de
« rapt » du jouet d’un congénère et leur résultat seront
importants pour décider de son statut hiérarchique. Certains
individus pourront simuler des attitudes sexuelles, même si leurs
hormones sont encore en sommeil. D’autres pourront s’exercer à
défendre leur proie en secouant un jouet en tous sens.
Sollicitations
au jeu
Quand un chien cherche un partenaire de jeu, il adopte une
série de comportements bien spécifiques, tout à fait identifiables
par les congénères.
L’offre
consiste à apporter un objet au compagnon
pressenti, à le déposer à ses pieds (s’il s’agit d’un humain) ou à
ses pattes (s’il s’agit d’un autre animal), puis à attendre sa
réponse. Parfois, le chien peut s’asseoir devant lui, le fixer
d’un regard suppliant et lever une patte avant en brassant l’air.
Quand l’autre, homme ou chien, tente de s’en emparer, il saisit
alors brusquement le jouet et s’enfuit avec. Si l’autre le
poursuit, il a gagné : le jeu est engagé !
La révérence canine est une posture souvent décrite par
les comportementalistes. Les oreilles pointées vers l’avant, le
chien halète d’excitation. Sa queue s’agite, en position haute.
Les pattes avant et le ventre sont couchés sur le sol, comme si le
chien s’étirait, train arrière en l’air, en extension.
Le « sourire » du chien
est également caractéristique de l’invite au jeu. Babine étirées
en arrière, la mâchoire est entr’ouverte sans qu’on aperçoive les
dents – les muscles faciaux sont dans la position inverse de celle
du chien agressif.
L’incitation à la poursuite
fait bondir le chien en avant. Une morsure feinte ou un coup de
museau précèdent un autre bond, cette fois en arrière, et une
fuite en courant. La fuite réveillant en général chez le compagnon
l’instinct de poursuite commun à tous les prédateurs.
Un chien dominant qui veut jouer avec un congénère devra
d’abord le rassurer en prouvant ses intentions pacifiques. Il
s’allonge donc au sol et montre son ventre, qui est la partie de
son corps la plus vulnérable. Cela indique son absence
d’agressivité et engage l’autre à accepter de jouer avec lui.
Ces différents comportements et postures sont totalement
inoffensifs. Mais certains d’entre eux peuvent être confondus avec
une attitude agressive, et il convient de bien faire la
différence. Seul l’homme peut s’y tromper, car entre chiens, le
message et clair et ne prête pas à confusion.
Jeu
et comportements violents
Si dans le jeu le chien reste normalement inoffensif et ne
montre aucun signe d’agressivité, il peut arriver que l’amusement
initial dégénère en violence. De nombreux chiens jouent de manière
brutale, parfois dangereuse. C’est une déviation comportementale
qui trouve son explication dans les premières heures du
développement du chiot. A quelques semaines, les chiots commencent
à simuler des batailles. Avec leurs petites dents pointues, ils
s’infligent des morsures douloureuses mais sans gravité. Peu à
peu, ils apprennent à contrôler et à doser la force de leur
mâchoire, car les morsures finissent par amener le partenaire à
interrompre les parties endiablées. Naturellement, cette réaction
conduit le chiot à adapter son comportement. Mais les chiens
élevés dans l’isolement sont privés de cette phase essentielle de
jeu avec l’autre. Sans possibilité de tester les réactions d’un
partenaire, ils n’acquièrent pas l’auto-contrôle de leur force.
Ceci peut créer de graves problèmes à l’âge adulte. Pourtant,
beaucoup de drames auraient pu être évités en ne privant pas trop
tôt le chiot de sa mère et de ses frères et sœurs. Ce sont eux qui
lui enseignent, au cours des premiers mois de sa vie, le
savoir-jouer, le savoir-vivre…
source
www.julie-delfour.com
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AOUT 2006: Le
territoire
Par
Julie DELFOUR
Même si la
domestication est synonyme de changements chez les espèces
domestiques, le comportement du chien rappelle les instincts
sauvages. C’est le cas pour le marquage du territoire, qui,
du loup au chien, conserve toute son importance. Quelle que
soit sa taille et sa race, le chien demeure un prédateur qui
définit et défend un territoire…
La
notion de territoire
Le chien est
un animal territorial par excellence, même s’il passe son
temps dans une maison.
Pour un loup,
le territoire est une surface dont les limites sont établies
de différentes manières. Il y vit seul ou en meute. Il y
aménage sa tanière, s’y repose et le défend contre toute
intrusion.
L’« aire
d’habitation » inclut le territoire, mais ce sont deux
notions différentes, souvent confondues à tort. L’aire
d’habitation est plus vaste et sans propriétaire. Elle est
constamment prospectée et inspectée au cours des grandes
sorties de chasse. Les loups comme les chiens l’utilisent
pour chercher leur nourriture. Contrairement au territoire,
elle n’est pas délimitée avec précision, et peut augmenter
ou diminuer selon le nombre d’individus à nourrir dans la
meute et les besoins des animaux.
Chez nos
chiens domestiques, les choses sont transposées mais restent
les mêmes. La meute devient la famille de son maître. La
tanière, c’est la maison, ou la niche, s’il vit dehors. Et
elle fait partie du territoire à défendre…
Marquer son territoire
Le marquage
par l’odeur est un bon moyen pour le chien de délimiter son
territoire. Une habitude tout droit héritée, une fois
encore, du loup. Même les chiens les plus domestiqués, de
plus en plus éloignés de leurs instincts naturels,
continuent à se plier à des comportements rituels de
marquage. Cailloux, troncs d’arbres, arbustes quand ils sont
à la campagne. Pneus de voiture, poteaux, boîtes aux lettres
et autres excroissances quand ils vivent en ville.
Tous les
chiens, mâles ou femelles, s’y précipitent, irrésistiblement
attirés par un délice invisible. Ils analysent d’abord le
message odorant qui s’y trouve, qu’un autre leur a laissé,
puis déposent leur propre odeur en levant la patte et
parfois en grattant la terre. Ainsi, le message et la
« réponse » sont placés en hauteur, ce qui les rend plus
résistants que s’ils étaient simplement déposés sur le sol.
De plus, le
choix de ces emplacements stratégiques, toujours les mêmes,
permet à chaque chien de détecter facilement l’empreinte
chimique de ses congénères et de leur indiquer la sienne.
Une
multitude d’informations
Le marquage
systématique a donc plusieurs fonctions : délimiter le
territoire, mais aussi connaître le statut social des autres
chiens. En effet, les scientifiques ont noté une corrélation
entre le marquage et la place du chien dans la hiérarchie.
Plus le chien est dominant, plus il aura tendance à marquer
fréquemment. Le marquage peut encore jouer un rôle apaisant.
Le chien l’utilise pour se rassurer dans des endroits
inconnus. Il marquera davantage des lieux où il n’a jamais
mis les pattes auparavant. Marquer sert enfin à diffuser des
informations essentielles comme l’âge de l’animal, son sexe,
son état de santé et même s’il est bien disposé ou en
colère.
Alors, quand
votre chien tirera sur sa laisse pour aller renifler ces
« choses », vous les verrez à présent d’un autre œil et
serez peut-être plus indulgents !
Comportements associés au marquage
Pourquoi
mon chien lève-t-il encore la patte alors qu’il ne lui reste
plus une goutte d’urine ?
Il n’est pas
devenu fou, mais même si sa vessie est soulagée depuis
longtemps, l’odeur d’un congénère déposée sur un de ces
endroits privilégiés le pousse à vouloir recouvrir cette
odeur de la sienne.
Pourquoi
mon chien gratte-t-il le sol après avoir fait ses besoins, y
compris sur un sol en béton ?
Il existe
plusieurs hypothèses pour expliquer ce comportement. Il
serait le résultat d’un désir inné de recouvrir ses
excréments de terre, comme le font, par exemple, les chats
dans la campagne ou dans leur bac. Certains spécialistes du
comportement pensent que le chien agit ainsi afin de
répandre ses selles et d’en renforcer l’odeur. Mais
l’interprétation la plus vraisemblable est qu’il ajoute de
cette façon au signal odorant un signal visuel : puisque les
excréments ne peuvent pas, comme l’urine, être déposés en
hauteur, en un endroit suffisamment visible, il faut gratter
tout autour pour que les autres chiens les repèrent de loin.
Pourquoi
mon chien tourne en rond avant de déféquer ?
Là encore,
plusieurs hypothèses. Piétiner le sol est un signal visuel,
comme le grattage. Il peut également s’agir d’un
comportement de substitution : le chien piétine pareillement
le sol quand il veut rendre le terrain plus confortable
avant de s’y allonger.
* * *
Tous ces
comportements de marquage du territoire peuvent paraître
insolites. Pourtant, ils ont tous une fonction bien précise
et un seul but : laisser un message aux autres, leur
communiquer des informations essentielles dans l’univers
canin.
Un moyen
efficace de « centraliser » les informations, de les rendre
accessibles au plus grand nombre. Une sorte de kiosque à
journaux pour chiens, où l’on vient acheter son odeur du
matin pour s’informer quotidiennement des nouvelles du
monde !
SEPTEMBRE 2006: la défense
Par Julie DELFOUR
Comme
souvent en matière de comportement canin, la défense est
une affaire d’instinct. A l’instar du loup, son ancêtre,
le chien défend son territoire. En respectant quelques
règles simples de « savoir-vivre » auprès de son animal,
on peut vivre une relation privilégiée avec lui, et
l’aimer autant qu’il nous aime.
Défendre son territoire
Le
comportement de défense est inné. Il a été entretenu et
développé par le processus de domestication. Les hommes
ont sélectionné les individus aux aptitudes de garde et
de défense les mieux marquées.
Le
fonctionnement de ce comportement est simple. Pour le
chien, la maison de ses maîtres est l’équivalent de la
tanière du loup. Comme lui, il est prêt à la défendre
contre toute intrusion. Il peut, dans certains cas,
devenir particulièrement possessif à l’égard d’un objet
de la maison : il le défendra alors avec acharnement et
interdira quiconque de s’en approcher. Il peut s’agir
d’à peu près n’importe quoi : un de ses jouets (une
balle, un os) aussi bien qu’un objet qui n’a a priori
aucun rapport avec lui. Nous connaissons un chien qui
protége un arrosoir en plastique !
La plupart
des comportements agressifs découlent de la défense
instinctive du territoire. Mieux vaut donc éviter de
chercher à s’emparer de « ses » objets. Evitez également
de déranger votre chien dans son sommeil. L’effet de
surprise pourrait le pousser à une agression à laquelle
ni lui ni vous ne vous seriez attendus. De même, ne
tentez jamais de lui retirer sa gamelle ou de jouer avec
lui quand il mange. Selon les spécialistes, plus d’un
tiers des attaques sont lancées par un chien en présence
d’un objet qu’il considère comme sa propriété.
L’attitude défensive
Le chien
peut simplement simuler une attaque, par jeu, ou pour
donner un avertissement à l’intrus, homme ou animal. Il
va gronder quand celui-ci s’avance, ou même s’élancer
vers lui en montrant les dents, puis s’arrêter
brusquement, à quelques mètres.
Si un
intrus s’approche de la maison, le chien se mettra à
aboyer, pour alerter sa famille. Ce seul comportement
suffit souvent à dissuader l’autre de s’approcher
davantage. Mais s’il insiste, le chien, tout comme le
loup, viendra le flairer ou même l’attaquer pour de bon.
L’expression du chien prêt à l’attaque est
caractéristique et facilement identifiable. Oreilles
dressées et babines retroussées, il aboie la gueule
grande ouverte. Difficile de confondre cette attitude
avec celle du jeu !
De
nombreuses attaques auraient pu être évitées si l’homme
avait compris le langage du chien. En effet, un chien
agresse rarement sans avoir au préalable donné plusieurs
signes et avertissements.
Défense et agressivité
Une
réaction agressive ponctuelle n’est pas le fait d’un
animal constamment agressif et dangereux, mais la
conséquence de l’instinct prononcé de défense du
territoire.
On peut
distinguer plusieurs types d’agressivité liée au
comportement de défense chez le chien :
L’agressivité survenue dans des conflits de
dominance : le chien attaque pour dominer sa
meute, la famille dont il fait partie, ou encore pour
s’imposer face à des animaux étrangers, extérieurs à son
groupe, qui peuvent vouloir aussi affirmer leur
autorité.
L’agressivité par jalousie apparaît
quand son maître se désintéresse de lui et caresse un
autre chien, ou quand un nouvel animal entre dans la
famille.
L’agressivité est parfois liée à la peur
ou à la douleur.
Enfin, une
forme particulière d’agressivité est à signaler :
l’agressivité maternelle,
spécifique aux chiennes veillant sur une portée. De même
que la louve interdit l’entrée de la tanière où elle
garde ses louveteaux, la chienne ne permettra à personne
de s’approcher de ses chiots. Seul son maître pourra
venir les regarder, en respectant toutefois quelques
précautions nécessaires : avancer à pas lents, tête et
corps courbés en signe de soumission, pour ne pas
exciter la réaction défensive naturelle.
Agressivité pathologique
Comme nous
l’avons vu, les chiens qui attaquent un congénère, un
autre animal ou un homme, voire leur propre maître, ne
sont pas devenus fous. Ils obéissent, sous le coup d’une
impulsion passagère, à un instinct hérité du loup. Cet
instinct les pousse à défendre leur territoire, des
objets familiers ou, dans le cas des chiennes, leur
portée.
Malgré
tout, il peut arriver de rencontrer des chiens aux
comportements agressifs anormaux. Ce sont alors des
animaux malades, souvent victimes de troubles du
cerveau. La rage peut être une cause d’agressivité
pathologique.
Sans être
malades, des chiots qui n’ont pas été suffisamment
socialisés à l’homme et aux autres chiens sont parfois
anormalement agressifs par peur.
Malheureusement, l’homme cherche rarement à faire la
part des choses entre une impulsion instinctive normale
et une pathologie réelle. Dans tous les cas, l’animal
mis en cause est euthanasié, alors qu’on aurait pu faire
appel à un comportementaliste pour déterminer la nature
de l’agression et éviter qu’elle se renouvelle. Bien
sûr, un animal réellement agressif est dangereux et doit
être éliminé. Mais les cas sont rares. Les autres sont
simplement des chiens qui se comportent comme se
comportent ceux de leur race. Et ceux-là payent de leur
vie le refus de faire la différence.
OCTOBRE 2006:
ABOYER ET HURLER
Crier,
grogner, aboyer, hurler… Toutes sortes de sons et de
vocalises qui sont autant de moyens d’expression. Un
vaste répertoire acoustique, un monde sonore souvent
associé aux langages du corps, qui révèle de manière
subtile l’état émotionnel de votre chien.
Chez les
loups, chaque individu possède son propre timbre de
voix, toujours reconnaissable par un autre.
Les
aboiements sont peu fréquents. Rauques et brefs, ils
sont le plus souvent la ponctuation finale d’un
hurlement, et servent à dissuader un intrus de
s’approcher de leur tanière. Signal d’alerte en présence
d’un danger, ils déclenchent une réaction immédiate chez
les louveteaux d’une part, qui se réfugient dans la
tanière, et chez les adultes d’autre part, qui se
rassemblent et cherchent à découvrir l’objet de
l’alerte. Quand celui-ci se révèle finalement sans
danger, chacun reprend ses activités, mais si la menace
se précise, les loups choisissent de fuir ou d’attaquer.
Si les
loups aboient rarement et pas plus d’une ou deux fois,
les chiens aboient de manière répétée. Une cascade
sonore à laquelle tous les chiens du voisinage vont
répondre. Les causes aussi sont différentes de celles
qui motivent le loup. C’est ici la sélection qui a
favorisé les chiens les plus aboyeurs, capables de
monter la garde pour leurs maîtres humains. Mais si nos
chiens aboient davantage, c’est également parce qu’ils
ne peuvent réagir comme le feraient des loups à l’état
sauvage. Leur environnement est différent. Ils ne
peuvent souvent ni fuir ni attaquer en réponse à une
menace. C’est pourquoi ils aboient.
Aboyer est
plus fréquemment un signe de peur que d’agressivité. Un
chien réellement agressif n’aboiera que brièvement, en
guise d’avertissement, avant de vous attaquer. Tandis
que l’animal redoublant de voix remplace l’attaque par
un surcroît de sons. Il sera donc bien moins dangereux
qu’un chien silencieux, contrairement à ce qu’on aurait
tendance à croire.
Dans le
monde sonore du loup, le hurlement est utilisé dans
plusieurs circonstances : le salut, le rassemblement de
la meute, la recherche d’un partenaire, le rappel d’un
louveteau trop éloigné de la tanière, l’inquiétude face
à un danger, le marquage du territoire, la défense d’une
proie, ou simplement…pour le plaisir !
Les
chiens, qui aboient plus, hurlent en revanche beaucoup
moins que leurs cousins sauvages. Difficile d’expliquer
la signification du hurlement chez le chien domestique.
Marque acoustique du territoire ? Langage spécifique et
nouvelle facette de la communication entre congénères ?
Facteur de cohésion d’un groupe ? On sait qu’il possède
sans conteste la faculté de resserrer les liens dans les
meutes de loups. Mais il perd un peu de cette fonction
primitive pour nos chiens dont les modes de
communication avec leurs meutes humaines sont
différents.
Seuls
quelques chiens se mettent parfois à hurler, manifestant
leur joie ou répondant à une « invite » de leur
famille : cris d’enfants, instrument de musique, mélodie
aux accents aigus. Isolé, enfermé dans la maison ou dans
un chenil, un chien peut aussi hurler pour appeler
d’autres chiens à son secours, afin qu’ils connaissent
son infortune, son ennui, et viennent le délivrer… Votre
chien peut donc hurler dans deux situations opposées :
quand il est très entouré, ou, au contraire, quand il se
sent très seul.
Jappements,
grondements et gémissements
Le
jappement est une marque d’amitié qui accompagne une
démonstration plus physique faite de bonds, de
mouvements de la tête et de roulades sur le dos. Japper,
chez le chien comme chez le loup, s’inscrit dans le
rituel de l’invite au jeu.
En
fonction du ton, de l’intensité et de la modulation, le
grondement traduit quant à lui toutes les nuances de
l’agressivité ; du simple agacement à la fureur
déclarée. Il ne fait pas bon, pour un homme ou un chien
qui entend un tel grondement, de s’attarder sur les
lieux et d’insister davantage.
Les
gémissements sont longtemps restés ignorés parce qu’à
peine audibles. Leur signification n’est pas, comme on
l’imagine en se basant sur nos propres comportements,
une plainte exprimant la tristesse mais un salut amical
ou un signe de soumission.
Un
aboiement de peur, un hurlement de joie, un jappement
d’amitié ou un grondement de colère ?…Tout un univers
sonore qu’il convient d’écouter avec attention pour
mieux comprendre votre chien et ce qu’il cherche à vous
dire, en vous« parlant » avec ses propres mots, avec ses
propres sons.
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NOVEMBRE
2006
Attitudes
et langage corporel
LES LANGAGES DU CORPS
Par Julie DELFOUR
Chez notre chien, chaque mouvement est à interpréter comme un
message.
Le corps tout entier est
un vecteur d’expression et un outil de communication.
Oreilles, queue, pattes, faciès, regard… Chaque attitude,
combinée à d’autres en des variations infinies, permet
d’exprimer une large palette d’émotions.
Les
oreilles
Souples et très mobiles, l’évolution de la position des
oreilles du chien traduit des émotions radicalement opposées.
Pointées en avant, elles sont signe de confiance, d’attention
ou d’agressivité. C’est l’attitude générale des chiens
dominants.
Plaquées en arrière, elles signalent au contraire la peur et
sont une marque à laquelle on distingue les chiens soumis et
dominés. Face à face, deux chiens dont les oreilles sont
plaquées en arrière peuvent également marquer de cette manière
l’anticipation d’un combat imminent. Une même attitude, les
oreilles plaquées sur le crâne, peut donc révéler des
sentiments contradictoires selon le contexte : tantôt la peur
et la soumission, tantôt l’agressivité et la provocation.
Les
pattes
A l’instar de ce que l’on observe chez les loups, la position
des pattes du chien peut délivrer autant de messages
spécifiques. Il suffit parfois de regarder attentivement la
posture de l’animal et la façon dont il est campé sur ses
pattes pour deviner son « état d’esprit ». Une stature droite
est un signe de confiance, une attitude affirmée de dominance.
A l’inverse, un animal fléchi sur ses pattes indiquera à ses
congénères sa peur et/ou sa soumission. Lorsque le chien
s’allonge sur le sol et avance en rampant, il amplifie ainsi
l’attitude de l’animal soumis. La plupart du temps, la
position des pattes s’harmonise avec celle de la queue. En
combinant les deux, le chien précise davantage la teneur du
message.
La
queue
La queue est quant à elle constamment mise à contribution dans
les « dialogues » entre chiens. Le chien qui « remue la
queue » est devenu une représentation universelle du chien
heureux. Au-delà de cette image, il existe de multiples
expressions à décrypter au travers des mouvements et des
positions de la queue. Une queue portée à la verticale
signifie la confiance et le statut de dominant au sein de la
meute. A l’inverse, une queue repliée entre les jambes,
plaquée sous le ventre, trahit la peur et la soumission. Entre
ces deux extrêmes, différents degrés d’inclinaison peuvent
permettre de nuancer l’interprétation. Une position
intermédiaire peut par exemple trahir l’indécision de
l’animal ; ses sentiments ambigus et sa difficulté à
« choisir » une attitude déterminée. Sa manière à lui
d’hésiter, en quelque sorte.
Le
faciès
La position retroussée des babines et l’ouverture de la
gueule, canines découvertes, annoncent la menace, le défi. En
revanche, si les molaires sont apparentes, la gueule à peine
plus ouverte, il s’agira alors d’une attitude de peur. Tout
est, ici encore, question de degré.
Interrogateurs, pleins de circonspection, les yeux sont
également une clef pour saisir ce qu’exprime le chien. Fixer
un chien droit dans les yeux est synonyme de défiance, de
provocation. Le regard profond et mystérieux de certains de
nos animaux évoque celui, si intense et si symbolique, du
loup.
Enfin, le nez se révèle très utile pour repérer et décoder un
marquage par l’urine ou les excréments. Ce marquage peut être
de trois ordres. Il peut s’agir du marquage d’un
territoire : les
individus dominants envoient un jet d’urine sur un objet bien
en évidence à la limite du territoire occupé. L’odeur d’urine
est mêlée à des phéromones qui renseignent les congénères non
seulement sur l’identité du propriétaire des lieux mais
encore, s’il s’agit d’une femelle, sur sa réceptivité
sexuelle. Un marquage
sexuel est en effet utilisé en période d’amours
afin d’indiquer le statut du dominant. Le troisième type de
marquage est alimentaire.
Il sert dans ce cas à informer les autres loups qu’une cache à
nourriture est vide (l’odeur d’urine permettant de couvrir
l’odeur persistante de la viande qui s’y trouvait). Un
marquage odorant par des glandes situées sous les pattes peut
venir « compléter » les précédents lorsqu’un individu gratte
le sol.
Les comportements complexes de communication et les formes
élaborées de langage chez le chien sont le fruit de ces
différentes attitudes, de ces multiples positions et mimiques,
isolées ou combinées. Tout un langage, précis et subtil,
distillant des informations précises, et dont il est parfois
difficile, pour un œil humain non exercé, de saisir les
nuances, allant de l’anxiété à l’agressivité en passant par
les émotions les plus diverses, parfois contradictoires. Bref,
tout un univers à explorer !
DECEMBRE 2006
Comportements
insolites
Par Julie DELFOUR
Tous
les comportements de nos chiens ne trouvent pas une
explication définitive. Même pour les plus éminents
spécialistes, certains comportements demeurent
mystérieux. Il existe une part d’ombre, une marge entre
le comportement et son explication scientifique. Tentons
de percer le mystère…
Chaque chien est unique
Tous les
comportements ne relèvent pas de schémas préétablis. Car
chaque chien est unique, a sa propre personnalité, ses
« manies » et son caractère. On ne peut les faire tenir
dans un moule qui soit le même pour tous. De plus, le
cadre scientifique prend rarement en compte les
différences génétiques et les expériences propres à
chaque animal pris individuellement. Votre chien peut
avoir un comportement étrange qu’on ne trouvera chez
aucun autre, tout simplement parce qu’il sera lié à son
histoire personnelle et non à l’Histoire commune à tous
les chiens. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui fait son
charme ? Comme chez les êtres humains, derrière les
« constantes comportementales » répertoriées et
identifiées chez tous, se cachent les petites
originalités de chacun, qui rendent les rapports moins
fades et la vie moins uniforme.
Si vous
essayez d’élucider un de ces comportements qui vous
intrigue, il vous faudra en chercher l’origine dans la
vie et l’enfance de votre animal. Devenir en quelque
sorte son docteur Freud !
Toutefois,
même si beaucoup sont liés à une histoire particulière,
quelques comportements « étranges » reviennent
fréquemment chez nos compagnons domestiques.
Frotter son ventre par terre
Il arrive
que le chien frotte son ventre et ses organes génitaux
sur le sol, dans une position inhabituelle qui peut
prêter à sourire. L’origine de cette attitude est le
désir de marquer un territoire. En effet, deux glandes
sécrétant des phéromones sont placées de part et d’autre
de l’anus. Elles déposent leur signal odorant lorsqu’il
défèque, mais aussi quand il se frotte par terre.
Parfois, le chien agit ainsi seulement pour soulager des
démangeaisons provoquées par des parasites, ou tout
simplement pour le plaisir de s’étirer et de se rouler
sur le sol.
« Se rouler »
De
nombreux animaux prennent un plaisir visible à se rouler
de la sorte. Et beaucoup vont le faire sur des lieux à
l’odeur nauséabonde : charognes en décomposition, selles
d’animaux, dépôts d’ordures… Tout ce qui nous dégoûte au
plus haut point attire irrésistiblement notre cher
compagnon ! L’hypothèse des spécialistes est qu’un tel
comportement aiderait le chien à passer inaperçu en
masquant sa propre odeur par une odeur plus forte dans
un lieu qu’il ne connaît pas. Il ne cherche donc plus
ici à marquer un territoire en y inscrivant son odeur
mais au contraire à se faire le plus discret possible,
soit pour ne pas attirer l’attention (et l’hostilité)
des congénères « propriétaires » des lieux, soit pour se
camoufler quand il chasse une proie.
Courir
après sa queue
Un chien
peut également sembler tout à coup pris de folie et se
mettre à tourner furieusement en rond en essayant
d’attraper sa queue. Ce comportement fait partie de
toute une série d’attitudes cocasses visant à attirer
l’attention de ses maîtres. Si courir après sa queue
provoque la réaction espérée, le chien s’en souviendra
et recommencera l’opération aussi souvent qu’il voudra
se trouver au centre de vos préoccupations. En cas
d’échec, d’autres tactiques sont mises en place. Tel
chien aboiera, gémira ou pleurera. Tel autre se mettra à
creuser le sol du jardin. Pour capter notre regard, nos
chiens sont capables de la plus grande ingéniosité. Il
m’est arrivé de conduire ma chienne chez le vétérinaire
parce qu’elle léchait une de ses pattes antérieures avec
insistance et un air malheureux. Le verdict du médecin
était sans appel : « Elle veut que vous vous occupiez
d’elle ! ». Et on peut dire que ça a marché… Certains
chiens vont parfois jusqu’à faire semblant de chasser
des mouches en sautant en l’air. Et leurs maîtres les
croient devenus fous quand ils ne font que leur prouver
leur intelligence.
Tous ces
comportements insolites donnent une note originale et
sympathique à nos relations avec notre animal. On l’aime
pour sa personnalité particulière, et on l’aime pour ses
mystères. Peut-être agit-il ainsi pour transmettre aux
autres chiens des messages dont nous ignorons encore la
signification…
JANVIER 2007:
ENTRE
CHIENS Guide des affinités canines
Par Julie DELFOUR
La plupart des relations qu’entretiennent nos chiens sont bâties
sur des rapports hiérarchiques solidement définis, et ce
dès les premiers jours de la vie. Chiens adultes et
chiots, mâles et femelles, apprennent ainsi à vivre
ensemble, à s’aimer ou simplement à se tolérer dans le
meilleur des mondes canins possible...
Entre chiots
Entre chiots, la position hiérarchique de chacun se définit dès
les premiers mois. Plus forts et souvent plus agressifs,
les mâles dominent généralement les femelles, et les mâles
les plus gros ont tendance à dominer l’ensemble de la
fratrie.
Les stratégies combattives diffèrent selon le sexe des chiots. En
effet, tandis que les mâles lanceront un affrontement, les
femelles préfèreront jouer en quelque sorte la diplomatie
en se contentant d’une simulation de combat, par des
grognements, des menaces et des tentatives d’intimidation.
Chez les animaux sauvages, seuls les plus forts survivent et
peuvent atteindre la mamelle nourricière. Ce sont eux qui
vont naturellement prendre les initiatives lors des
moments clefs de leur développement. Les autres chiots les
suivront et les apprendront par imitation.
Les jeux entre chiots sont les prémices des rapports
hiérarchiques. Le plus agressif de la portée attaque et
tente de prendre le dessus, de dominer physiquement ses
congénères. Ainsi, un ordre se profile dès les premières
semaines de vie.
Entre adultes
Une fois la hiérarchie instaurée entre dominants et dominés, les
chiens adultes ont recours à différentes stratégies afin
d’éviter les combats.
L’intimidation
tout d’abord, qui vise à éviter l’attaque. Les chiens
aboient, grognent, simulent une attaque.
L’apaisement
ensuite, utilisé par le plus faible ou le dominé qui
adopte une attitude soumise, tête inclinée, démarche
ralentie, qui n’est pas sans évoquer parfois celle d’un
chiot. Le chiot désarme en effet l’agressivité d’un chien
adulte normalement équilibré. La « règle » de la
possession
peut enfin être privilégiée. Dans ce cas, le chien qui
possède en premier un bien le conservera la plupart du
temps, même face à un individu de statut plus élevé que
lui dans la hiérarchie.
Ces stratégies différentes ont une même origine, héritée des
loups : l’instinct de conservation. C’est lui qui va
dicter à l’animal une conduite apaisante, quand un combat
déclaré risquerait d’occasionner une blessure et de
menacer la survie. Si malgré tout le combat a lieu, ce
sera après l’échec des avertissements et des tentatives de
conciliation. Il marquera la victoire de l’un et la
soumission de l’autre, dans un vacarme souvent
impressionnant mais finalement peu d’atteintes physiques
graves.
Entre adultes et chiots
Bien que les relations entre chiens domestiques présentent des
similitudes avec celles observées chez les loups, la
domestication a cependant marqué des divergences. En
effet, nos chiens domestiques sont devenus beaucoup moins
autonomes que leurs cousins sauvages. Cette dépendance à
l’homme modifie les liens sociaux et
infantilise
les individus. Ainsi, une mère, dans ses comportements,
peut être comme un chiot qui élève des chiots… Attachée à
son maître dont elle est en quelque sorte restée le chiot,
elle peut perdre l’instinct maternel de la louve, voire se
montrer jalouse de l’amour que son maître témoigne à ses
chiots…
Le père infantilisé de désintéressera quant à lui de la portée et
n’inculquera pas aux chiots l’éducation, prépondérante,
dispensée par la meute des loups.
Par ailleurs, le chiot jouit d’une relative sécurité et de la
protection des adultes. Trop faible, il n’est pas encore
considéré comme une menace ou un concurrent hiérarchique.
Ses attitudes incitent aux jeux et à la tendresse. Elles
inhibent le comportement agressif, sauf exception dans
certains cas pathologiques où l’adulte, insuffisamment
socialisé, peut s’en prendre au chiot, parce qu’il est
malade ou simplement parce que son maître l’aura
conditionné à l’agressivité…
FEVRIER 2007 :
L'INSTINCT
PREDATEUR
Par Julie DELFOUR
L’instinct
de prédation est sans doute l’un des plus ancestraux,
parmi tous ceux que nos chiens domestiques ont hérité du
loup. En étudiant l’histoire des relations entre l’homme
et le chien, on voit le rôle paradoxal de cet instinct,
à la fois renié et cultivé : la base d’une amitié si
particulière et si profonde.
Le
loup et la chasse
Chasser
est un comportement inné chez le loup, qui se
perfectionne et se diversifie par apprentissage de
techniques nouvelles. Un louveteau sera fortement attiré
par les mouvements d’une proie qui déclenchera des
conduites d’orientation, d’approche et d’attaque.
L’odeur du sang le fera naturellement tenter de dévorer
la proie.
L’inné
tient donc une part primordiale dans le comportement de
chasse chez les canidés. Mais c’est grâce à
l’apprentissage que ces attitudes innées s’améliorent.
C’est en observant le « savoir-faire » des adultes que
les louveteaux apprendront à ouvrir une carcasse ou à
parfaire leur expérience de prédateur en herbe :
attraper la proie, la tuer puis la démembrer
efficacement avant de pouvoir la manger.
L’apprentissage s’accomplit à la fois par le jeu et par
l’imitation des adultes de la meute. Ceux-ci font
participer les petits, au moins du regard, aux
poursuites et au harcèlement du gibier. Ainsi, ils
acquièrent de manière directe, par l’observation ou par
« essais-erreurs », ces techniques de prédation
essentielles à leur survie et que chaque loup se doit de
maîtriser.
Techniques
de chasse des loups
Il ne
semble pas exister de stratégie préétablie en matière de
chasse.
On peut tout de même dire que les loups ne sont pas des
chasseurs adeptes de l’affût mais de la chasse en
groupe. Seul, un loup est en effet bien moins efficace
qu’en couple ou, mieux, qu’en meute. Plus les individus
sont nombreux, plus ils sont en mesure de s’organiser et
de surveiller, observer, repérer tour à tour les animaux
les plus vulnérables. Ils encerclent un troupeau et
parfois guident l’animal choisi (une bête malade ou plus
faible) vers un loup qui l’attend en embuscade. C’est
collectivement qu’ils chassent, traquent et viennent à
bout d’une proie. Très endurants, ils peuvent engager
une poursuite sur plusieurs kilomètres. Ils se relaient
alors, tandis que la proie se fatigue, jusqu’à ce qu’un
ou deux individus lui mordent les pattes postérieures et
la forcent à s’écrouler sur le sol. Une fois tombée,
elle ne se relèvera plus, et tous les loups de la meute,
dans un ordre respectant la hiérarchie, participeront à
la curée.
Prédation
et domestication
Selon les
ethnologues, l’instinct prédateur serait à l’origine de
la domestication du loup par l’homme. Depuis des
siècles, la sélection a joué sur cet instinct. L’homme a
mis à profit ce qu’offrait l’instinct à l’état primitif,
en le transformant et en l’adaptant aux tâches que
devait remplir chaque race de chien créée.
Dans la
manière de travailler des chiens de bergers, on retrouve
la technique d’encerclement développée par les loups. Le
Border Collie par exemple se sert de l’instinct
prédateur non plus pour tuer mais pour rassembler,
conduire et diriger les troupeaux. Il devient en quelque
sorte le gardien de ses anciennes proies ! Un paradoxe
que l’homme a su maîtriser au cours des âges, pour créer
un chien qui soit suffisamment menaçant pour se faire
obéir du troupeau mais assez soumis pour ne pas « passer
à l’acte » et tuer une bête… Son maître, le berger, doit
pouvoir le rappeler à l’ordre et le faire s’arrêter d’un
seul coup de sifflet.
En Afrique
du Nord, on sélectionnait des lévriers pour la chasse à
la gazelle, et on les utilise encore aujourd’hui pour
leurs qualités d’endurance à la course, leur corps
profilé et léger. Du loup, on a gardé et sélectionné
l’endurance et l’obstination.
Combativité et endurance sont liées à l’instinct
prédateur et sont nécessaires aux loups pour aller
jusqu’à la mise à mort de la proie. Ce sont ces qualités
que l’on a sélectionnées chez des chiens de combat comme
le bulldog ou le pitbull. Crée spécialement pour
combattre des taureaux dans les arènes, le bulldog
attaque de front en se jetant sur le museau du taureau
et en y restant accroché.
Les chiens
de chasse, bien sûr, sont les premiers à « s’inspirer »
des loups. On a particulièrement travaillé sur leur
instinct de prédation. Les chiens courants donnent de la
voix pour signaler la présence du gibier à leur maître,
comme un loup préviendrait le reste de la meute de la
présence de la proie convoitée. Mais l’homme a modifié
l’instinct de manière à ce que le chien « respecte le
gibier ». Les retrievers doivent le saisir doucement et
le rapporter sans le mordre. Les chiens d’arrêt marquent
l’emplacement du gibier mais doivent rester à distance
sans attaquer. Dans le cas des chiens de terrier,
l’instinct prédateur a aussi été modifié, mais
différemment : à l’inverse du loup qui mord puis se
retire afin d’éviter les coups donnés par la proie, le
terrier les affronte sans peur, avec bravoure et au
mépris des blessures, pouvant même aller jusqu’à la
mort.
La main de
l’homme a donc bel et bien modifié cet instinct
fondateur du comportement des canidés sauvages qu’est
l’instinct prédateur. Pourtant, en chacun de nos chiens
domestiques sommeille un loup, et l’on peut toujours
voir se réveiller le loup qui dort…
MARS 2007 :
Fugues
et vagabondages
Dans nos
sociétés de plus en plus urbanisées, nos chiens vivent en
milieu fermé. Espaces clôturés, petits jardins,
appartements, chenil. Peu d’entre eux ont le loisir de
courir chaque jour en pleine campagne. Dans ces conditions,
le besoin et la nostalgie des grands espaces peuvent se
faire sentir…
Une fois
encore, les comportements des loups aident à décrypter ceux
des chiens domestiques, y compris pour les animaux des
villes.
Le territoire
de chasse d’une meute peut atteindre plusieurs dizaines de
kilomètres carrés. Les loups s’éloignent régulièrement de
leurs tanières, parfois durant plusieurs jours, pour partir
à la chasse. Ils partent en quête de proies pour se nourrir,
ou de femelles pour s’unir et se reproduire. De longues
excursions sont également un moyen d’explorer les alentours.
Le chien qui
s’éloigne de sa maison pour aller voir ce qui se passe
au-delà de son territoire suit donc un comportement inné,
hérité des loups.
Suivant son
instinct, le chien va vagabonder à l’appel de stimuli
extérieurs. Ceux-ci sont assez forts pour pousser l’animal à
s’éloigner de ses maîtres, même s’il y est très attaché.
Parmi ces
stimuli, on retrouve le besoin d’explorer qu’il
tient des ancêtres sauvages. Il peut aussi partir à la
chasse, attiré par une source de nourriture, l’odeur d’un
animal blessé ou d’une charogne.
La
rencontre d’autres chiens, particulièrement de chiennes
en chaleur, est un motivation au voyage. Un tel bouquet
d’odeurs, pour lui merveilleuses, peut l’entraîner bien loin
de chez lui.
Certains
chiens fuguent pour se rendre chez un voisin accueillant,
qui lui donne à manger, joue avec lui ou possède des animaux
qui l’attirent chez eux.
D’autres
partiront sur les routes à la recherche de leurs anciens
maîtres si on les a fait changer de vie pour diverses
raisons (divorce, abandon, problèmes familiaux). Un chien
victime de ses maîtres cherchera, malgré ce qu’ils lui ont
fait subir, à les retrouver. Dans d’autres cas plus
ponctuels, la peur de l’abandon peut pousser un animal à
s’enfuir du chenil où ses maîtres l’auront laissé pendant
leurs vacances.
On peut
parfois trouver des chiens ayant quitté leur domicile à la
suite d’une grosse frayeur. Dans ce cas précis, la fuite est
une réaction instinctive au stress causé par un événement
violent ou un bruit inattendu, tel l’explosion d’un pétard
ou le tir d’un feu d’artifice. Orage, catastrophe naturelle
ou tremblement de terre : le fameux « sixième sens du
chien » peut parfois les détecter bien avant qu’ils ne se
produisent.
Enfin (les cas
sont heureusement rares), la fugue peut-être la conséquence
d’un trouble pathologique grave, comme la rage ou les
maladies cérébrales à un stade d’évolution avancé.
Mais à
l’exception de ce dernier cas, le chien fugueur, même s’il
s’éloigne beaucoup, n’oublie jamais le lien qui l’unit à ses
maîtres et revient vers eux si rien d’extérieur ne l’en
empêche.
Comment
prévenir le vagabondage ?
On peut tirer
parti de la souplesse et des grandes facultés d’adaptation
du chien pour l’habituer progressivement à rester dans un
espace restreint.
Si votre chien
doit vivre en appartement ou passer quelques jours dans un
chenil, il faut l’habituer très tôt à vivre dans ces
situations et à les accepter, même si ce ne sont pas des
conditions de vie idéales. De longues promenades en plein
air compenseront les frustrations causées par l’enfermement.
Le sentiment
d’abandon est un facteur de stress et de fugue important,
surtout chez les chiens qui n’ont pas fait, étant jeunes,
l’expérience de la solitude. Là encore, mieux vaut habituer
le chiot à votre absence un peu chaque jour, afin qu’il
supporte sans stress une plus longue absence.
Pour les
promenades et la vie quotidienne, adoptez des rythmes
réguliers. Mieux vaut en effet alterner régulièrement
enfermement et sorties, car les extrêmes ne feront que
déstabiliser votre chien et accentuer ses tendances au
vagabondage. Par exemple, certains maîtres pensent souvent
compenser une longue période d’enfermement par une longue
période de liberté totale, pendant le week-end ou les
vacances. Or, loin de suivre cette logique, le chien, qui au
cours de la première période se sera senti frustré et privé
d’exercice, pourra chercher à s’enfuir pour rattraper le
temps perdu. Ainsi, beaucoup de chiens citadins se
retrouvent livrés à eux-mêmes durant les vacances, causant
des dégâts aux troupeaux en montagne ou faisant des ravages
parmi les animaux de ferme.
Votre chien
est intelligent et prêt à s’adapter. En respectant ses
rythmes de vie, en lui proposant régulièrement des périodes
d’exercice, de jeu, des moments de complicité pour compenser
les moments de solitude et d’enfermement, il peut apprendre
à adopter vos règles. Un compromis entre vos activités,
votre travail et son besoin de régularité et d’espace n’a
rien d’impossible.
Lui, ce qu’il
aime par dessus tout, c’est vous faire plaisir. Vous, vous
pouvez sans trop d’efforts en faire autant pour lui… Et vos
relations seront alors des plus harmonieuses.
AVRIL 2007 :
Le
chien et les odeurs
Par Julie DELFOUR
Près de 200.000 cellules olfactives par cm² de surface sensible,
contre seulement 5.000 chez l’homme. Des récepteurs sensoriels
sur le museau détectant le moindre changement de température.
La perception des odeurs chez le chien est bien supérieure à
la nôtre.
Communiquer
et marquer son territoire
L’odeur est essentielle à la communication entre chiens. Elle
les informe sur les objets présents dans leur environnement,
bien mieux que ne le ferait le seul contact visuel. Un
flairage réciproque permet de déterminer de manière
infaillible le sexe, l’âge, voire le statut social de l’autre.
En outre, le marquage par l’odeur est la carte de visite du
chien, aussi unique que le sont nos empreintes digitales. La
fonction excrétoire a un rôle qui va bien au-delà du simple
soulagement physique. Et la sélection menée par l’homme en
près de quinze mille ans de domestication n’a que peu modifié
cette fonction naturelle.
Le marquage du territoire est un comportement inné, hérité des
ancêtres sauvages, les loups. Mais dans nos sociétés urbaines,
le territoire à marquer pour le chien devient…la maison de son
maître.
Le
chien en maison ou en appartement
Apprendre à son chien à faire ses besoins hors de la maison
est facilité par un comportement hérité, une fois encore, des
loups. En effet, les ancêtres sauvages ont transmis aux chiens
leur capacité innée à nettoyer leur tanière. Une capacité
favorisée par la sélection naturelle, puisque les individus
tenant leur tanière propre étaient moins sujets aux maladies
et donc plus aptes à se reproduire.
Par un phénomène de substitution dans l’esprit du chien, la
maison du maître, ou la niche s’il vit à l’extérieur, devient
vite sa tanière, et il fait naturellement en sorte de la
garder propre. On retrouve ce même comportement chez d’autres
animaux sédentaires, dont nos chats domestiques qui
rechigneront toujours à souiller leur maison. Vers l’âge de
deux mois, les chiots déposent urine et excréments le plus
loin possible de leur lieu de vie.
L’odeur
du chien : sa carte d’identité
Chaque chien possède deux glandes situées de part et d’autre
de l’anus. Elles contiennent une phéromone, un signal chimique
caractéristique, qui révèle l’identité de l’animal à un autre
venu le renifler. Deux chiens qui se rencontrent vont
commencer par se flairer mutuellement la région de ces glandes
odorantes, et faire ainsi connaissance. Ils savent « d’une
respiration », comme nous d’un regard, à qui ils ont affaire.
Mais pour nous rien n’est aussi simple, et nous nous trompons
bien plus souvent !
D’autres glandes font également office de marque identitaire.
Elles sont placées entre les doigts et déposent une odeur
lorsque le chien gratte le sol.
Rendre
son chien plus humain…
Le monde des odeurs offre aux chiens de multiples
possibilités d’expression et de communication. Il leur donne
l’opportunité de se rencontrer et de faire connaissance. Il
fournit des renseignements précis, très utiles pour deviner et
cerner la personnalité ou les intentions d’un congénère.
Malheureusement, ces odeurs si riches de sens, si importantes
dans la vie du chien, ne le sont pas forcément dans celle de
son maître. Souvent, on s’efforce, sans en mesurer les
conséquences, de rendre son chien…plus humain. Plus
« olfactivement correct ». L’industrie des produits pour
animaux s’empresse de répondre à ce désir de changer une odeur
désagréable en une odeur plus convenable. Aussi trouve-t-on
des shampooings pour chiens délicatement parfumés aux essences
florales, des lingettes pour nettoyer les pattes après la
promenade, et même une ligne de parfums… « Oh my dog ! »,
fleuron de la création pour chiens chics, vient imposer la
meilleure des « bonnes » odeurs possible.
« Oh my
dog ! »
Ils sentent bon, certes. Mais seulement pour nous ! Car en ce
qui les concerne, les narines de nos pauvres chiens ne sentent
plus rien. Dans leur univers de chien, cette odeur délicieuse
est un cauchemar. C’est toute leur vision du monde qui est
perturbée. Mettons-nous un peu à leur place : impossible de se
faire connaître ni de reconnaître l’autre, qui il est, ce
qu’il veut, ce qu’il dit. Un peu comme si dans notre monde à
nous, des chiens décidaient de brûler nos cartes d’identité,
sous prétexte qu’elles sentent mauvais… De la science-fiction
pourtant très proche de la réalité.
Alors,
quitte à renoncer à lui donner l’odeur d’un bouquet
printanier, ne vaut-il pas mieux laisser à notre chien sa
« propre » identité ?
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source
www.julie-delfour.com |